[Texte en français]

J’ai une culture française. Non seulement parce que j’ai fait mes études au Lycée français de Madrid, mais aussi par mes parents. La famille maternelle de ma mère était française (Lassalle, d’Oloron), et j’ai eu l’occasion de lire en français dans la bibliothèque de mon père les grands romans classiques (et pas seulement les romans); il connaissait aussi l’anglais et l’allemand, et aimait raconter en se moquant qu’il avait appris l’anglais comme une langue morte dans son Valladolid natal. J’ose même dire que je sens ma culture française grâce à mes trois tantes nonnes, de l’ordre de Saint Dominique.

Mais surtout je suis de culture française parce que j’ai appris à penser et à avoir un esprit critique en Français, parce que la France et plus directement Paris ont accueilli nos exils, aussi bien physiques et réels (celui de mon beau-frère Francisco Bustelo et ma sœur María, pendant les années soixante du siècle dernier) que les intellectuels et professionnels comme lors de mon séjour en 1967. Plus tard je devins géographe sur le modèle de l`école française, avec mon maître Manuel de Terán, en lisant aussi bien les classiques –Vidal de la Blache, Brunhes, Meynier, etc.- que les modernes –George, Claval, Phlipponneau, etc. – et en faisant de la recherche sur la genèse de nos territoires et de nos paysages avec un groupe de camarades et amis, qui le sont toujours.

Il y eut un temps, les années quatre vingt, où la culture française commença à décliner pour nous, à être regardée par les gens de notre entourage d’une façon quelque peu condescendante, avec une certaine méfiance, comme si nous avions perdu trop de temps à la fréquenter, et comme si elle ne pouvait plus nous apporter des réponses aux questions qui nous inquiétaient. Ce fut alors que nous remplaçâmes la souscription au Monde et à L’Express, par celles de Newsweek et plus tard à The Economist. Rien à dire, sauf ce regard maussade dont nous couvrions nos références françaises. C’était l’époque pendant laquelle nos amis, au premier rang des responsabilités économiques des gouvernements de Felipe González, regardaient avec un peu de commisération les mesures économiques de Mitterrand, qu’ils pensaient archaïques.

En même temps en tant que géographes, à partir des années soixante dix, toute la littérature géographique anglo-américaine nous devenait accessible. Nous regrettâmes alors, et nous nous reprochâmes même, de n’avoir pas eu une première et définitive formation anglaise. A nouveau rien à dire, si ce n’est que ce tournant nous faisait parfois découvrir des vérités de La Palice, trop évidentes, parfois aussi nous faisait-il méconnaître le bon travail de notre entourage, et même redécouvrir la géographie française (et pas seulement celle-ci, mais toutes les sciences sociales) sous le prisme des géographes et des scientifiques sociaux anglo-américains : par exemple, Marx à travers David Harvey, ou Vidal dans le livre de Anne Buttimer. Jusqu’à tomber sous l’empire actuel de l’IF (Impact Factor) qui veut que n’intéressent plus que les publications en anglais dans des revues classées par l’ISI, même s’il s’agît de travaux qui seraient impubliables en Espagne, car trop connus, ou insuffisants. J’ai eu l’occasion de le vérifier à plusieurs reprises comme évaluateur, par exemple à propos de la politique hydraulique ou du franquisme.

Dimanche 11 janvier j’ai vu sur TV5 Monde la grande démonstration de Paris et j’ai été très touchée. La nuit j’ai vu, sur la même chaîne, la soirée Je suis Charlie, célébrée dans le grand Auditorium de Radio France en hommage aux victimes et en défense de la la liberté d’expression. Un formidable programme, en grande partie improvisé, avec la présence de beaucoup de journalistes, d’artistes, de gens des média, de musiciens et surtout des humoristes, qui dessinaient sur le champ leurs vignettes. Des survivants et des membres des familles des assassinés. C’était difficile mais tout le monde fut à sa place, avec une intelligence, une dignité et une volonté de retenue admirables, sans la moindre censure de la part des autorités, parfois avec une certaine irrévérence, mais toujours avec tendresse. « Notre métier c’est de porter la plume dans la plaie » a rappelé un de ces humoristes. Tandis qu’une autre représentait Charb sur une fusée en route pour l’éternité en disant : « Ça y est, j’ai pulvérisé le mur des cons ». J’ai senti plus que jamais l’orgueil de ma culture française, de mes nombreux amis français, la gratitude pour la façon dont j’ai été reçue par eux dans leurs universités, leurs laboratoires, leurs revues. J’ai participé plus que jamais à leur esprit laïc et cultivé irréductible, à cet esprit républicain dans lequel se reconnaissent les Français. Comme disait un rédacteur de Charlie Hebdo « le jour pendant lequel on n’a pas ri, est un jour vraiment perdu ».

http://www.franceinter.fr/emission-soiree-speciale-soiree-je-suis-charlie-en-hommage-aux-victimes

[Texte en espagnol]

Soy de cultura francesa. No solo por haber estudiado en el Liceo Francés, sino también por mis padres: por mi madre, de ascendencia materna Lassalle, por mi padre, en cuya biblioteca leí en francés las grandes novelas clásicas, y no solo estas (él sabía también alemán e inglés, pero se reía contando que este último lo había aprendido en su Valladolid natal casi como una lengua muerta); incluso puedo decir que por tres de mis tías monjas, dominicas francesas.

Pero, sobre todo soy de cultura francesa porque aprendí a pensar y a tener espíritu crítico en francés, porque Francia, y más en concreto París, acogió nuestros exilios, tanto los físicos y reales, el de mi cuñado Francisco Bustelo por ejemplo, como los intelectuales y profesionales como me ocurrió en mi estancia de 1967. Más tarde, me hice geógrafa sobre el modelo francés, aprendiendo de Manuel de Terán, y leyendo a clásicos Vidal de la Blache, Brunhes, o Meynier, y modernos, George, Claval, Phlipponneau, e investigando con un grupo de compañeros (que lo han seguido siendo, también amigos) la génesis de nuestros territorios y nuestros paisajes. Y enseñé en la universidad esa geografía de metodología francesa en la que me había formado.

Llegó  una época, los primeros años ochenta, en que la cultura francesa empezó a declinar para nosotros, a ser mirada en nuestro entorno con cierto recelo y de forma un tanto despectiva, como si hubiéramos perdido mucho tiempo con ella, y como si fuera ya incapaz de dar respuestas a los dilemas del momento; sustituimos la suscripción a Le Monde y al Express por la del Newsweek y, después, The Economist, lo que estaba muy bien salvo por esa mirada displicente que empezamos a lanzar sobre nuestras referencias francesas. Era la época en que nuestros amigos, en la primera fila de las responsabilidades de política económica de los gobiernos de Felipe González, contemplaban a los gobiernos Mitterand con cierta conmiseración, por cuánto se estarían equivocando.

También como geógrafos a partir de los años setenta se nos abrió ante los ojos toda la literatura geográfica americana, y empezamos casi a lamentar e incluso a reprocharnos el no haber sido de primera (y definitiva) formación angloamericana. Lo que de nuevo estaba muy bien, salvo que a veces era para descubrir mediterráneos, desconocer el trabajo de calidad de nuestro entorno, o incluso para redescubrir la geografía francesa (y no solo, también todas las ciencias sociales) bajo el prisma no siempre t acertado de los científicos sociales angloamericanos: Marx por ejemplo a través de David Harvey, o Vidal en el libro (ingenuo) de Buttimer. Hasta aterrizar en el imperio actual del Factor de Impacto para nuestras publicaciones: solo lo publicado en revistas indexadas de lengua inglesa importa, incluso si son cosas impublicables en España por archiconocidas e incompletas; he tenido la ocasión de comprobarlo como evaluadora, por ejemplo a  propósito de la política hidráulica o del franquismo.

Ayer domingo 11 de enero 2015 estuve viendo la manifestación antiterrorista de París. Y me conmocionó. Y vi por la noche en TV5 Monde el programa especial Je suis Charlie, celebrado en el Auditorio de Radio France, dedicado a las víctimas, y en defensa de la libertad de expresión. Un macro-programa, en parte improvisado,  con la presencia de muchos periodistas, artistas, comunicadores, músicos y sobre todo humoristas, que sobre la marcha fueron dibujando sus viñetas de homenaje. También supervivientes y familiares de los asesinados. Era difícil, pero todo el mundo estuvo en su sitio, con una inteligencia, dignidad y contención admirables, sin la más mínima censura, a veces con irreverencia, siempre con ternura. “Notre métier c’est de porter la plume dans la plaie”, dijo alguno de aquellos humoristas. Mientras una viñeta representaba a Charb en un cohete propulsado hacia la eternidad, diciendo: “Ça y est, j’ai pulvérisé  le mur des cons”. Yo sentí más que nunca el orgullo de ser de cultura francesa, por mis muchos amigos, el agradecimiento por cómo he sido acogida allí en sus universidades, centros de investigación y revistas, el saber hasta qué punto comparto el espíritu laico y culto que les caracteriza, eso que ellos llaman el espíritu republicano. Como decía uno de los redactores de Charlie Hebdo, “Le  jour qu’on a plus le sentiment de perdre, c’est celui pendant le quel on n’a pas rit”. Si un día no se ríe, se ha perdido el día.

http://www.franceinter.fr/emission-soiree-speciale-soiree-je-suis-charlie-en-hommage-aux-victimes

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